La naissance de Yayi Samaké
Toujours à Bamako, toujours aussi perdue dans cette ville, toujours aussi étonnée par les différences et toujours aussi assommée par la chaleur, j’ai retrouvé un peu de l’occident lors d’un souper de groupe dans un petit restaurant chic qui avait comme mission de souligner le départ vers le Canada de la femme d’un coopérant qui alourdie par un précieux fardeau s’en retourne à la maison pour sa délivrance. Au menu je choisi le capitaine, poisson populaire du pays, afin de balancer l’équilibre du repas : un environnement du Nord contre un repas du Sud.
Le lendemain fut encore riche en découvertes puisque je me suis rendue dans le village de Sanankoroba à près de 1heure de route de la Capitale. Première population à avoir reçue l’aide de SUCO, c’était un bon point de départ pour mes premières observations. Là-bas, j’ai assisté à une formation donnée sur l’entrepreneurship féminin. Cette expérience m’a permis de prendre contact avec les outils éducatifs qui sont utilisés et de comprendre quelque peu la dynamique des groupes d’apprentissage. Dans la soirée (après un somme bien mérité!), je suis partie à l’épicerie (ce terme n’est pas un euphémisme…il s’agit bel et bien d’une épicerie!) afin de faire des provisions en vue de mon départ imminent vers mon lieu d’affectation.
Après une deuxième journée à Sanankoroba, me voilà déjà en route pour Bougouni. Anxieuse, pendant tout le trajet j’ai essayé de me faire une représentation mentale de l’endroit. Accompagnée par Véronique (ma superviseure), je me sentais prête à découvrir le milieu où j’allais séjourner pour une période de plus ou moins 5 mois. Arrivée dans une noirceur complète, le soleil disparaissant vers les 18h45, je ne pus qu’entrevoir cette ville qui à mes yeux est plutôt un gros village.
Le bureau de SUCO qui pour moi fait office non seulement de lieu de travail mais aussi de logement est très bien. J’y trouve tout le nécessaire dont je peux avoir besoin et comparativement à l’Inde…non ça ne se compare tout simplement pas! Bien gardé de jour comme de nuit par trois hommes, je n’y suis jamais seule ce qui est autant un avantage qu’un inconvénient. J’ai rapidement compris que les gens ne comprennent pas le besoin « d’être seule ». Je dois pratiquement m’enfermer dans la salle de bain pour lire un chapitre sinon quelqu’un vient me faire la causerie persuadé que la lecture est un refuge à l’ennui. Moi qui adore lire! De nature très serviable ajoutée au fait qu’ils sont rémunérés pour cela, j’obtiens tout ce que je désire de leur part : de la miche de pain à l’eau potable.
J’ai fait connaissance avec les personnes du bureau qui sont au nombre de cinq et je ne peux que les remercier de leur accueil si chaleureux. C’est ainsi que j’ai été mangé dans la famille de mon patron, que j’ai passé un après-midi dans la famille de la secrétaire et que j’ai partagé un autre repas avec une agente de terrain. Constamment à la recherche d’une compréhension plus élargie de leur culture, je me suis également rendue à la messe en compagnie d’un autre agent de terrain. Ne riez pas! Loin de moi l’idée d’être une fanatique de la religion, mais à mes yeux une expérience en vaut bien une autre. Notez que les catholiques ne représentent que de 1 à 2 pourcent-s de la population. Je dirais qu’après deux heures assise sur un banc d’église sans ventilateur…j’avais hâte de sortir! Les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, la messe débute par les louanges qui sont d’ailleurs fort jolies et bien rythmées. En plus d’être la seule blanche, ce qui m’a valu déjà un nombre de regards perçants important, mon compagnon insiste pour que je m’assois parmi les hommes afin qu’il puisse m’expliquer de temps en temps le déroulement de la cérémonie. J’ai pratiquement regretté d’avoir mis une jupe plutôt que des pantalons ce jour là!
Je ne suis pas encore en mesure de dire avec exactitude comment je vais m’intégrer à la grande famille qui m’entoure, mais comme tout les nouveaux nés j’avais à entrer officiellement au sein de celle-ci. C’est ainsi que Marie Christine fut délaissée et que Yayi est née. Traduit littéralement « yayi » signifie « maman » et ce nom m’a été attribué en l’honneur de la mère de mon patron. Je suis donc son homonyme. Comme nom de famille, je suis une Samaké en raison qu’une des agentes de terrain se nomme ainsi et qu’elle me voulait comme sœur. Encore totalement mélangée dans les liens de cousinage, je vais devoir me mettre à la tâche afin de déterminer qui est mon esclave, mon égal ou mon maître afin de pouvoir adopter l’attitude de plaisanterie qu’il convient. Quoi qu’il en soit Yayi est dorénavant nul autre que moi!
Apprentissage du moment : L’identité n’est que la perception que les autres ont de toi