Mali en images 2
Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes, L'univers est égal à son vaste appétit. Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes ! Aux yeux du souvenir que le monde est petit ! [Baudelaire]
Fidèle à moi-même
Partie en quête des ressources de la commune de Bougouni, je commençai ma semaine par une visite à la mairie. Petit lieu séparé en quatre espaces de travail, je dérangerai tout le monde en réunion dans la première pièce pour atterrir dans le bureau de la secrétaire où encore une fois je perturbai les quelques personnes assises pour accéder à une troisième salle, celle abritant le secrétaire général. Sans rendez-vous, je fonctionnai à la façon malienne : frapper trois petits coups à la porte, ouvrir celle-ci, faire un signe de la tête, refermer ce qui a été ouvert, et patienter jusqu’à ce que je fusse priée d’entrer. Cette rencontre s’est soldée par la remise d’une liste des diverses associations féminines de la commune. Celle-ci me facilitera la tâche dans les activités à venir.
Deuxième lieu d’arrêt : la bibliothèque. Optimiste suite à ma première démarche, j’envisageais déjà de pouvoir dénicher quelques lectures et documents intéressants. J’ai eu à redescendre sur terre assez brutalement. La terre appelle Marie! J’y ai trouvé l’équivalent d’une dizaine de rayons envahis par des romans ou par des contes pour enfants. Il est très crédible de citer comme source dans un document de formation « L’affaire tournesol » titre des aventures de Tintin héro chéri du Mali. Au suivant…
J’ai aussi été dans la commune de Zantiébougou dans le but de rencontrer une des dirigeantes d’une coopérative féminine de karité. J’ai tiré quelques informations de la discussion que nous avons eue, mais j’ai surtout eu confirmation de la conception que je commence à me faire sur les besoins des femmes. Le point fort de la visite fut en fait le tour du propriétaire auquel j’ai eu droit. Savez-vous comment faire le beurre ou la savon de karité? Je me suis couchée moins ignorante ce soir là!
Après plus de deux semaines à Bougouni, je devais être fidèle à mes racines de citadine et je suis partie en direction de Bamako. Arrivée à quelques kilomètres de la ville, je constate que toute la circulation est bloquée, que les routes sont inaccessibles et que le drapeau du Canada flotte côte à côte avec celui du Mali en plus de se trouver dans les mains et dans les cheveux des habitants. Heure critique; Mme la Gouverneure Générale du Canada débarque au pays. Immobilisée par le « flafla », j’imite le comportement de la majorité, je me rallie à la norme, je me flanque sur le bord de la route et je regarde défiler les voitures aux vitres teintées. En une minute tout fut terminé, je tourne le dos et me prépare à rentrer chez ma superviseure. Tant de mobilisation pour si peu!
Mon sac ne touche même pas le sol que j’apprends que nous nous rendons au musée national du Mali où il y a un spectacle de danse contemporaine. Hhhuummm. Danse contemporaine. J’ai absolument rien compris de la prestation. C’était une performance sans musique dans laquelle une femme se réveillait avec un sac de poubelle sur la tête pour ensuite faire ses premiers pas dans la société en adoptant la robe courte et les talons hauts pour finir par découvrir un objet si commun dans le monde, une chaise. Épatant. Les critiques furent unanimes : Seul les incompris peuvent y trouver le reflet fuyant de leur existence. Tout être humain normalement constitué s’abstenir.
Le lendemain, j’ai travaillé quelque peu à la maison afin de mettre la dernière touche à certains documents. Bien vite il fut le temps de partir en direction de l’ambassade du Canada, je devais prendre part à un cocktail en l’honneur de la Gouverneure Générale. Je fais généralement peu de cas de ce genre d’événement et je dirais que quand je peux m’abstenir, je m’abstiens. Je m’y rends donc en jupon de sari indien (sous-vêtement pour ce dernier peuple!) et coiffée d’un bandeau parce que les tresses faites par la secrétaire du bureau la veille, et qui me faisaient ressembler à une gamine de 14 ans, eurent pour effet de me donner une tête impossible à discipliner. Je constate qu’avec les années je ne m’améliore guère…n’ais-je pas rencontré le président du Pérou en coton ouaté! J’ai aperçu son excellence la très honorable Michaëlle Jean, mais mon attention était davantage retenue par la multitude de serveurs portant des plateaux emplis de petites bouchées savoureuses. Je les ai toutes goûtées sans exception! J’y ai fais la connaissance d’une autre coopérante de mon âge qui elle aussi préférait adopter la stratégie de retrait. C’est alors que nous avons été abordées par un jeune homme qui sympathisant chercha à savoir les raisons animant notre séjour au Mali. J’aurais mieux fait d’écouter les paroles sages de ma mère : « Marie, il ne faut jamais parler à un pur inconnu ». Il s’avéra être le conseiller jeunesse de Madame et comme celle-ci est très versée en ce qui touche de près ou de loin à la situation de la femme, il voulu nous la présenter personnellement. C’est ainsi que j’ai pu échanger quelques mots avec notre chère Gouverneure Générale en cette belle fin de journée malienne. Ensuite, j’ai pris une bière! À la vôtre Canada!
Mon séjour à Bamako était motivé par une rencontre avec la conseillère en genre et développement de SUCO-Mali. J’ai donc eu ses idées concernant le plan préliminaire de formation que j’avais programmé et j’ai également abordé les stratégies possibles pour le recensement des besoins de formation des femmes dans les villages. Ce qui avait été pensé initialement ne convenait pas, je leur ai tout changé ça de bord! Lors d’une rencontre à Sanankoroba deux jours plus tard avec mon coordonnateur plâtré depuis maintenant plus d’un mois, j’ai obtenu son approbation pour faire l’analyse plus approfondie de la stratégie que je propose. Il me reste maintenant à réunir les agents terrain et à faire la réflexion avec eux de manière à les amener à croire que c’est bien d’eux que l’idée émane. Ça ne sera pas facile…je fais toujours face à une absence de responsabilisation. Toutefois, il est essentiel qu’il s’approprie la démarche et ma méconnaissance du terrain nécessite leur collaboration pour accroître la pertinence de la stratégie dans ses détails.
Ma journée de congé, la seule et unique, fut consacrée à une foire. Les Allemands perpétuent à chaque année une tradition de leur pays en organisant un marché de Noël. Il y a différentes activités et beaucoup d’artisans viennent exposer leurs œuvres. J’ai donc flâné d’un kiosque à l’autre en riant des vendeurs un peu trop empressés. Le meilleure de cette journée fut le repas que j’y ai consommé : de la choucroute, des brochettes, de la moutarde de dijon et du pain! J’admets que les brochettes, bien que délicieuses, ne peuvent en aucun cas rivaliser avec les types de saucisses qui font partis de la nourriture traditionnelle en l’Europe de l’est, mais quand même ce fut à mes yeux un festin sentimental.
La semaine se termine…je rentre dans mon gros village. Bougouni.
Apprentissage du moment : Chez soi c’est où l’on accepte de vivre.