vendredi, février 23, 2007

Semaine 18 : Rupture

Attention! Danger d’explosion!

Revenue à Bougouni pour reprendre le travail mis de côté pendant la semaine du Colloque, je me suis sentie près de mon point limite. Après une altercation avec le coordonnateur en présence de toute l’équipe du bureau, j’ai quitté lieu de travail et domicile, puisque l’un et l’autre ne font qu’un, et je suis partie en quête d’air. Des mains invisibles m’étranglaient, un corps absent me comprimait, des coups non portés me blessaient; j’avais besoin de m’évader, de me retrouvée, de reprendre le contrôle sur moi-même.

J’ai passé la journée à errer ici et là visitant les uns et les autres dans l’esprit de me calmer et de me changer les idées trop concentrées sur le boulot. La force de quelqu’un réside dans sa capacité à savoir s’arrêter avant d’atteindre la limite de ses capacités. Je pense que j’étais à deux doigts, si ce n’est qu’un seul, de franchir cette ligne de rupture. Assez! J’en avais assez! Je venais de traverser trois semaines infernales à m’oublier totalement et trois mois à me donner sans retenue dans un travail que certes j’adore, mais qui a monopolisé l’ensemble de mes énergies.

Frustrations. Frustrations. Frustrations. C’est le quotidien des expatriés. Mon patron venant en mission à Bougouni, j’ai profité de cette courte visite pour réfléchir sur la suite des événements et partager mon sentiment de malaise. Les attentes étaient tellement élevées que depuis quelques temps, j’avais négligé un aspect très important : les relations interpersonnelles. Je continuais à voir les personnes que je fréquente à l’extérieur du bureau, mais je n’arrivais plus à accorder du temps à mes collègues ou aux gens gravitant autour de l’organisme. Je ressentais ce manque, mais je ne m'étais pas rendue compte que ce dernier était présent des deux côtés : le mien et celui de mes confrères.

J’ai donc rencontré le coordonnateur de l’équipe ainsi que mon patron, cette dernière étant sans aucun doute celle qui me connaît le mieux, et nous avons convenu que je reléguais en second plan le travail. Je priorisais ainsi le côté social et je prenais le temps de me reposer. Il était hors de question que je continue à ce rythme. J’avais l’urgence de prendre soin de moi. La tension était devenue insupportable. J’en venais à courber les épaules et à tourner mon regard vers le sol. Redresse-toi Yaye! C’est ce que ma conscience me dictait en ce moment. Je me suis donc dégagée de mes papiers et de mon ordinateur, j’en ai déjà fait plus que demandé.

C’est ainsi que j’ai été amené à assister à une conférence sur l’excision avec une agente en développement local. Cette pratique étant très courante au Mali, j’avais envie d’en apprendre davantage sur le sujet. Le taux de jeunes filles excisées à Bougouni est de 98%! Le plus souvent ce sont les vieilles femmes qui s’en chargent dès que le bébé est baptisé, c’est donc dire qu’il a à peine quelques jours. L’excision est généralement perçue comme étant le corollaire de la circoncision chez le garçon. Bien sûr, il y a une large différence, mais c’est pourtant la vision qui domine. On considère le clitoris comme étant la partie impure de la femme au même titre que le prépuce chez l’homme. La femme qui est non excisée est donc sale et même que les hommes peuvent refuser de la marier pour cette simple raison. Cette pratique est tellement encrée dans les traditions qu’on l’attribut souvent faussement à la religion.

Ce qui est vraiment déplorable, c’est que les personnes même qui organisent des campagnes contre l’excision sont elles-mêmes les premières à soumettre leurs jeunes filles au « couteau ». De ce fait, elles perdent leur total crédibilité et les gens assistent davantage pour récolter leur perdiem à la fin de la journée, prendre un bon repas et se désaltérer d’une sucrerie [boisson gazeuse]. En discutant avec les personnes présentes, j’ai pris conscience qu’elles ne perçoivent nullement la mutilation reliée à cette pratique. Éduquées ou non, elles adoptent le même point de vue : c’est ainsi depuis des centaines d’années, pourquoi cela en irait-il autrement aujourd’hui?

J’ai aussi profité du samedi soir pour me livrer à mon exercice préféré : danser! Enfin, une soirée organisée dans mon gros village! Accompagnée de Christophe, souvenez-vous du volontaire Français fraîchement débarqué dans ma rue, ainsi que de 4-5 amis Maliens, nous sommes sortis en boîte. Quel délice! La musique était extra et je me suis défoulée avec un plaisir inouï. Il faisait tellement chaud qu’en moins d’une heure, je me suis retrouvée complètement trempée des pieds à la tête. Mon état était équivalent à quelqu’un qui se jette dans une piscine sans prendre le temps d’enlever ses vêtements. Rentrée en plein milieu de la nuit, je me sentais bien et là il m’a été permis de respirer librement.

Apprentissage du moment : Savoir se respecter

jeudi, février 15, 2007

Le Mali en images 4



La formation en genre et développement a demandé de nombreux efforts aux participants. Les voici en train de prendre part à une courte activité que j’avais organisée afin de démontrer le principe d’égalité des chances à la base. Ils y ont tellement mis de cœur, que nous avons eu une blessée! Rien de bien sérieux; une légère éraflure.

Cette formation les a également amené à réfléchir et à réfléchir et à réfléchir… Voici trois participants lors d’une session en travail d’équipe. Ils m’ont dit par la suite ne pas avoir eu conscience que je les avais photographiés. Vraiment bravo pour vos efforts!
Le sport le plus populaire au Mali comme dans beaucoup de pays africains est le football ou appelé chez nous le soccer. À Bougouni, les activités manquent mais le foot est toujours roi. Voici donc une rencontre amicale entre deux des quartiers de la ville dont celui où je demeure. Malheureusement, nous avons perdu.

Je vous présente mes deux amis Péruviens. Nous participons à un souper conférence se tenant en plein air. Depuis mon séjour au Pérou (ouf! Ça fait déjà longtemps!), je n’avais pas renoué avec la chaleur et la gentillesse de ce peuple. C’est avec joie que je les ai accompagné pendant toute la semaine. Bienvenidos en Mali!
Lors du colloque, la soirée du mercredi fut réservée à un 5 à 7 célébrant les 40 ans de SUCO au Mali. Tous les agents de terrain étaient donc invités à se joindre aux autres praticiens présents. L’équipe de SUCO-Bougouni s’est donc mise sur son 31 pour être à la hauteur de l’événement. Hawa, Salia et Sali, vous êtes splendides!

Après trois semaines de dur labeur et de peu de repos, il est temps de décanter quelque peu. Tel que le soleil sur le fleuve Niger en cet instant, je rayonne de mes derniers feux afin de revenir fidèlement au poste et cela avec force.

Semaine 17 : Colloque

Développement local et décentralisation

Arrivée la veille à Bamako, j’étais enthousiasme à prendre part à un événement quelque peu spécial : un colloque. SUCO profitait de la semaine du développement international pour souligner ses quarante années d’intervention au Mali en réunissant des praticiens de plusieurs pays. Leur mission : mener une réflexion quant aux approches de développement dans un cadre de décentralisation. Ainsi des délégués du Pérou, du Nicaragua, du Niger, du Canada, du Burkina Faso, de la Guinée, du Cameroun…etc. se sont regroupés afin de partager leurs expériences et de réfléchir aux actions à entreprendre pour intervenir d’une façon durable dans le domaine du développement local.

Mon apport se concrétisait principalement dans l’accompagnement des hispanophones. Ces derniers ne parlant pas le français communiquaient difficilement en dehors des sessions de travail. J’étais donc là pour répondre à leurs besoins, questions et demandes de toute sorte. Des traducteurs professionnels s’occupaient de traduire les propos dits en ateliers d’une manière simultanée et dès qu’il y avait une pause, un repas ou une activité en soirée je prenais la relève. Après une semaine de ce traitement, j’en suis venue à traduire mes propres rêves!

Il est 6h45 que le klaxon de la Prado bleue de SUCO se fait entendre : allez c’est parti! Les journées furent très bien remplies et les retours à la maison s’effectuaient au plus tôt à 21h. C’est donc dire que personne n’avait un horaire de travail décent. Les quatre premières journées se déroulèrent dans un hôtel situé sur la colline du savoir de Bamako. Il est à noté qu’il y a trois collines dans la Capitale : celle du savoir qui abrite l’université, celle du pouvoir qui abrite les instances gouvernementales et celle de la santé qui abrite l’hôpital général. Lors de la cinquième journée certains participants étaient amenés à visiter le terrain. Nous sommes donc partis dans la commune de Sanankoroba où les villageois eux-mêmes ont exprimé leur cheminement dans le processus de SUCO.

Un aspect très intéressant de la culture est la politesse et « l’enrobage » avec lesquels les gens s’expriment les uns envers les autres. Lors des plénières les participants étaient invités à poser des questions : « Bonjour, je m’appelle Yaye Samaké et je travaille également dans le développement pour un organisme international nommé SUCO. J’interviens principalement au Mali. Je voudrais tout d’abord remercier M.Sy, le conférencier ici présent, pour son apport dans cet atelier. Ses propos étant fort intéressants et s’inscrivant tout à fait dans…j’aurais quelques petites questions à poser à l'honnorable M.Sy, mais avant de vous les formuler, j’aimerais me permettre de faire un commentaire. Nous, dans notre organisation…Je ne voudrais pas monopoliser le temps de parole, je me limiterai donc à seulement quelques petites questions. En fait, j’ai quatre petites questions à poser à M. Sy. La première concerne l’aspect de la participation des femmes dans les espaces politiques. Je vous rappelle les propos de M.Sy affirmant que… je pense donc qu’il est important d’investiguer davantage cet aspect et c’est dans cette optique que je vous pose la question suivante M. Sy : j’aimerais que vous élaboriez plus en profondeur l’idée qui soutien vos dires quand vous mentionnez que les femmes… Par la suite, ma seconde petite question se positionne envers les notions d’applicabilité du programme formulé. Nous avons vu lors… » Et ça continu dans cette même ligne de discussion. Une personne peut donc prendre vingt minutes pour poser quatre questions que le facilitateur reformulera par la suite, parce qu’après un si long discours, il est difficile de les identifier clairement. Les Péruviens et les Nicaraguayens que j’accompagnais me disaient parfois de cesser de traduire et de leur résumer simplement les quatre questions!

Je n’assistais pas aux ateliers se tenant en sous-groupes. Je changeais alors de rôle; de traductrice je devenais une caméraman! Accompagnée de Binta, également une employée de SUCO, nous formions une équipe d’interview de micro-trottoir. C’est-à-dire que nous prenions des participants au hasard et que nous les interrogions sur divers aspects du colloque. Je n’ai pas visionné notre chef d’œuvre, je n’ai donc aucune idée du résultat produit. Toutefois, j’ai pris plaisir à faire Miss communication!

Le colloque s’est clôt le samedi en après-midi avec un brunch et je ne vous cacherai pas qu’à 22h le soir même je dormais sur mes deux oreilles!

Apprentissage du moment : Le secret du succès : la polyvalence.

jeudi, février 08, 2007

Semaine 16 : Atelier

Comment puis-je vous aider?

Celui qui a dit que le travail était salutaire pour l’âme est complètement fou! Après l’atteinte de mon premier résultat (la formation GED) voici venu le temps de poursuivre ma lancée. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin?

Mon deuxième mandat consiste à évaluer les besoins de formation des femmes dans la commune de Zantiébougou et à élaborer le plan de formation qui viendra appuyer celles-ci. Cela toujours dans le processus de développement local prôné par SUCO. Depuis le mois de novembre, je prépare les agents à la tenue de l’atelier qui servira à recenser ces besoins de formation. Me voici donc dans la dernière ligne droite.

Les premiers jours de la semaine furent consacrés à la correction et à la bonification de la fiche technique d’atelier, du guide d’entretien version française et version bambara ainsi qu’à l’organisation des derniers préparatifs : formation des groupes, nourriture, budget…etc. J’ai rencontré les secrétaires de l’atelier afin de leur expliquer leur rôle et les attentes que j’entretenais envers leur travail, je me suis assurée que les superviseurs en alphabétisation rappelaient auprès des différents villages la tenue de l’atelier et j’ai donné mes dernières consignes aux agents terrains. Tout ce qui pouvait être fait a été fait! Maintenant place aux impondérables!

Ce qui devait arriver arriva : bonjour les imprévus! À 8h30 le matin même de l’atelier, la moto que je devais utiliser n’était plus dans la cours : l’un des gardiens étant parti porter les enfants du coordonnateur à l’école ne revenait pas de cette course. Nous le rejoignons par téléphone pour apprendre qu’il est justement chez le coordonnateur du bureau qui est finalement rentrer de Bamako : surprise! Je suis donc partie avec un autre agent vers le lieu de rendez-vous. Le coordonnateur accompagné d'un l’animateur que j'ai chargé de conduire à l’atelier n’arrivèrent que 15 minutes avant l’heure convenue ce qui ne me laissa pas le temps de leur fournir quelques explications sur le déroulement de la rencontre d’aujourd’hui.

Ne connaissant absolument pas l’atelier en raison de ses absences constantes lors des séances d’information, mon patron pris quand même la décision de faire la mise en contexte servant à introduire les motifs soutenant l’atelier. Bien sûr, il prit cette initiative sans me prévenir! Et cela ne fut que le début de ma journée…un secrétaire pris ses notes en bambara alors que la consigne était claire, je voulais les écrits en français, aucun des délégués d’un village ne se présentèrent, nous apprîmes que les villageois avaient confondu les dates et qu’ils croyaient que l’atelier avait lieu le lendemain…ainsi de suite. Nul doute, je suis au Mali! Dans l’ensemble, je dois affirmer que le bilan est positif. L’événement le mieux organisé ne peut simplement pas se dérouler comme il a été prévu; c’est une loi du Mali.

Décrochons un peu du travail et tournons-nous vers la vie sociale, quel événement a lieu au mois de février? La fameuse St-Valentin! S’il est totalement impossible ici de prévoir deux semaines à l’avance une quelconque rencontre professionnelle ou soirée avec des amis, croyez-moi l’exception à la règle est cette satanée soirée des amoureux. J’ai passé la semaine à accrocher à mes lèvres le plus beau de mes sourires et à user de mon imagination très fertile afin de décliner le plus poliment possible l’avalanche d’invitations qui m’assommèrent d’un peu partout. Il y a pour souligner l’occasion une soirée dansante à Bougouni et les garçons se disputent le trophée de la soirée, c’est-à-dire la toubab. Le mystère le la femme blanche est pour eux équivalent à celui du caramel dans la caramilk pour nous!

Attention! Il y a du nouveau à Bougouni : les toubabous envahissent la ville! En effet, j’ai fait la rencontre de Christophe, un volontaire français, qui vient tout juste d’emménager dans ma rue. Il est venu s’installer pour deux ans dans notre gros village. Il est agronome de formation et il travaille sur des projets en lien avec le coton biologique. Il ne pouvait pas arriver plus tôt, lui? Enfin quelqu’un à qui je peux parler ouvertement sans surveiller le moindre de mes mouvements. Le bout de mon index droit a par inadvertance effleuré son genou gauche, c’est certain qu’il est maintenant convaincu que je lui fais du charme! Sois sur tes gardes Yaye. Être avec un occidental enlève ce poids constant de devoir analyser tout ce que je dis ainsi que tout ce que je fais.

Apprentissage du moment : Qui se ressemble s’assemble.