mercredi, janvier 31, 2007

Semaine 15 : Formation

Le GED au cube

Dring! À peine la première sonnerie amorcée, mon cadran fut forcé de se taire suite à un geste vif de ma part. J’étais déjà bien réveillée et je repassais en boucles constantes les préparatifs à faire avant les neuf heures. Alerte, je me préparai en moins de temps qu’il en faut à d’autres pour seulement s’extirper de leur sommeil et j’ouvrai mes cahiers de formation fraîchement sortis de l’imprimerie. Le moment attendu depuis trois mois était celui-ci; les trois journées de formation en genre et développement.

J’avais déjà animé des formations et cela dans des conditions encore plus précaires, mais je crois que personne ne peut vraiment s’y habituer. La confiance en soi s’installe et par extension le stress ressenti diminue, mais chaque animation est différente de la précédente et les adaptations proviennent d’exigences également divergentes. J’étais prête à me livrer à la discussion. D’ailleurs n’est-ce pas l’une des actions que je fais le mieux?!

J’ai été déçue que le coordonnateur du bureau soit absent lors de ces trois jours. Il a été retenu par ses études à Bamako. Raison valable ou non, son absence marquée depuis mon arrivée ne fait que se prolonger. En plus de trois mois, je me demande si j’ai eu l’occasion de travailler à ses côtés plus de trois semaines. Ma superviseure qui tenait à être à mes côtés lors de ces journées a toutefois su m’apporter le soutien dont je pouvais manifester le besoin.

Ce fut trois jours intensifs de travail. L’horaire des formations était très serré. Nous nous mettions à l’ouvrage de 9h à 17h sans pratiquement souffler et de mon côté les journées se prolongeaient le soir en préparation et le matin en révision. Au terme de la formation, je me suis sentie libérée et très satisfaite du résultat. En fait, il s’agissait d’une première pour l’organisme. La conseillère en GED de SUCO basée à Bamako a à plusieurs reprises suivie des formations dans ce domaine, mais elle n’a jamais elle-même animé un atelier quel qu’il soit. Jusqu’ici elle avait toujours fait appel à des consultants externes. Étant une main d’œuvre à mettre à l'essai, on m’a lancé le défi et cela malgré les doutes de la direction. Je peux être fière de ce que j’ai réalisé!

Les discussions et les ateliers ont été des plus intéressants et ils m’ont également permis d’en apprendre davantage sur la culture du Mali. J’ai particulièrement aimé un débat sur l’égalité et l’équité. Devrions-nous prioriser l’égalité des chances ou l’équité de l’impact? Question qui laisse place à la réflexion! Et vous, qu’en pensez-vous? Je pense avoir réussi à combler les besoins de l’équipe terrain qui résultaient à s’initier au concept de l’approche genre et développement.

Le jeudi, jour de repos pour les agents, ma superviseure et moi nous sommes mises au boulot. Nous avons revu une à une les différentes thématiques et nous avons échangé sur les bonifications à apporter aux documents et aux ateliers. J’ai d’ailleurs reçu ses félicitations, elle s’est dite très satisfaite de l’issu de la formation. J’ai également préparé et remis un document évaluatif aux participants afin de recueillir leurs impressions et leurs commentaires. J’apporterai ensuite les modifications nécessaires et probablement que j’étendrai à quatre jours la durée de cette formation. À qui le suivant?

Nous avons également pris un temps considérable afin de faire une évaluation mi-parcours quant à mon travail. Déjà la moitié de terminée! J’ai ainsi pu lui communiquer tant mes frustrations que mes moments forts lors d’un échange libre et ouvert. La partie la moins intéressante viendra la semaine prochaine avec la rédaction du rapport que je dois lui remettre suite à cette rencontre!

Le vendredi j’ai repris les marqueurs et le flip chart; restitution de l’atelier sur les besoins de formation des femmes aux agents. Je devais leur faire bien comprendre l’essence de cet atelier qui sera dirigé la semaine prochaine ainsi que leur rappeler la stratégie qui le soutien. Souvenez-vous du groupe focalisé. La tâche la plus fastidieuse consiste en la traduction de la fiche technique de l’atelier du français au Bambara. Les agents peuvent s’obstiner longtemps sur les mots, croyez-moi! Par exemple, vous serez d’accord avec moi qu’il y a une différence de sens entre les mots « difficulté » et « problème ». Par contre, que l’on traduise par l’un ou l’autre terme les réponses amenées seront les mêmes. Au terme suivant!

Ce fut une fin de semaine bien méritée qui passa un peu trop rapidement à mon goût. J’en ai profité pour aller marcher à travers Bougouni. Je me suis d’ailleurs rendue au marché où j’ai retrouvé mon homonyme, Yaye, en train de vendre son poisson fumé comme à son habitude. J’en ai profité pour m’asseoir un peu à l’ombre et aider les femmes à écailler les arachides. Je ne suis pas restée seule au bureau bien longtemps : ma superviseure étant partie le vendredi en milieu d’après-midi et une mission arrivant le dimanche en journée, le compte fait moins de 48 heures!

Apprentissage du moment : Je grandis.

samedi, janvier 27, 2007

Le Mali en images 3




Je vous présente Yaye! La véritable. Celle dont je suis l’homonyme. Nous voilà toutes les deux bien préparées pour aller à la prière du matin. Je porte donc l’habit traditionnel : le boubou et le voile. Nous nous tenons tout juste en avant d’un bananier.









Je suis maintenant en famille. Je me trouve dans la concession de mon patron en présence entre autres de ces deux femmes et de ces frères. Les enfants ne font pas partie de la photo en raison que cela aurait nécessité autant de préparation qu’une photo de classe!

Au tour de mes deux gardiens favoris maintenant. Il s’agit de Yaya et d’Adama. Ils sont présentement entrain de vaquer à leur activité préférée : étudier les courses de chevaux afin de bien miser sur les chevaux gagnants.

En village! Nous sommes actuellement à Todoukou Kolondié. Il s’agit d’un des plus gros villages dans lequel nous intervenons. Paysage très habituel : maison de briques de forme ronde avec des toits de paille.


Certains villages démontrent des techniques de mobilisation quelque peu bruyantes. Les villageois en signe de rassemblement jouent de la musique, chantent et dansent. Le bruit parvient aux oreilles de la population qui se déplacera vers le lieu de l’atelier. Il est l’heure de s’éduquer!




Comme pour tous les ateliers, les villageois se regroupent sous un arbre pour suivre le déroulement de la journée. Ainsi personne ne se fait griller au soleil pendant des heures interminables. Un arbre mature est donc la première condition essentielle à la tenue d’un atelier réussi.

Semaine 14 : En ville

BBBbbbbbbbzzzzzzz

Toujours à Bamako, je me rendis en ce lundi matin pour un deuxième rendez-vous chez le médecin. Je me sentais mieux, les effets des multiples petites pilules commençaient à se dissiper. Voulant quand même ne prendre aucun risque, je me suis soumise à un examen sanguin complet. Suite à ce dernier, je peux vous assurer que j’ai le meilleur sang qui soit. De la première qualité! J’en ai été rassurée et mes collègues de travail également. J’ai eu un problème de santé très courant dans la région. Dans l’immédiat, j’ai deux connaissances de nationalité malienne qui en sont affectées. Les furoncles ne sont donc pas une rareté. Imaginez si jamais j’avais été sérieusement malade…stop! Vaut mieux ne pas y penser! J’ai tiré ma leçon de cette expérience : dès que je ne me sens pas en parfaite santé, je prends mes clic et mes clac vers Bamako.

C’est la saison froide et par conséquent celle des moustiques… « On entendait dans le temps des claps tout le temps, c’était de ces vampires qui venaient de mourir » Ceux et celles qui ont participé à des camps de vacances reconnaîtront peut-être la chanson! Période des maringouins, périodes à vouloir se terrer sous sa moustiquaire, période où le « bbbbzzzz » est un son constant à l’oreille, période qui pendant ma semaine à Bamako m’a rendue complètement folle. Je pensais que les moustiques préféraient la nature. Erreur! L’insalubrité de la grande ville les attire davantage. Je leur ai voué une guerre sans merci dont je n’ai aucune idée du vainqueur au final: ai-je plus de piqûres que de cadavres à mon actif? La lutte fut sans nul doute très chaude. La moindre petite parcelle de peau exposée au danger que représentent ces malotrus luisait des trois couches de crème « supposée » les repousser. La maison enfumée de la brûlure de l’encens ainsi que de l’odeur des « poush-poush en canette » n’améliorèrent guère la situation. Sans compter que ces derniers nuisent à l’environnement…vraiment je devais sortir le drapeau blanc en signe de trêve et de paix. Le risque de contracter la malaria est donc très élevé en ce moment. D’ailleurs le coopérant avec lequel je suis partie en octobre dernier est présentement bien installé sur un lit d’hôpital à recevoir les deux perfusions quotidiennes servant à éradiquer le paludisme de son système sanguin. Souhaitons lui « Meilleure santé ! ».

Étant prévoyante, j’avais en ma possession mon ordinateur portable avec moi. Compagnon fidèle, il m’a permis de travailler dans les bureaux de Bamako. J’avais à terminer mes documents servant à la formation en genre et développement prévue pour la semaine suivante. Ce fut ensuite la course à l’imprimerie, mais bien sûr tout fut prêt au moment de l’échéance. Mon cœur a bien bondit quelques fois dans ma poitrine quand pour la première fois j’ai feuilleté le fruit de plusieurs heures de travail. Enfin du concret! Il ne me restait plus qu’à m’assurer de mon appropriation du contenu.

La semaine fut décisive. J’ai réellement une incapacité à demeurer inactive. Inactive dans le moment présent, mais je n’arrive pas non plus à me percevoir inactive dans les mois à venir. Je ne reviens que dans quelques mois, mais je pense déjà au retour…que vais-je faire de mes dix doigts? J’hésitais entre deux choix : le travail ou les études. Finalement, le second l’a emporté, j’aspire à me remettre le nez dans mes livres pour encore une période de deux ans et demi. La date limite pour le dépôt des candidatures pour l’admission au 2e cycle étant le 1er février prochain, je devais me réveiller et entrer dans l’action. J’ai donc passé une bonne partie de mon temps à écrire à droite et à gauche pour obtenir des renseignements. Les communications ne sont pas toujours faciles!

À la fin de la semaine, je rentrai à la maison : Bougouni. Prête, pas prête, je devais me lancer. À mon retour, je trouvai les gardiens au même endroit que lorsque je les avais quitté plus d’une dizaine de jours auparavant. Ils s’adonnaient à la même activité : les courses de chevaux. Ici les gens ne vont pas au dépanneur du coin acheter leur 10$ de grateux et leur panoplie de 6/49, ils mises sur les courses. Le jeu est d’ailleurs un grave problème de la société. Signe de pauvreté. Les hommes et les femmes s’adonnent à cette loterie en croyant dur comme fer qu’elle sera leur salue. Pratiquement à chaque jour, les gens achètent leurs billets en espérant que demain sera meilleur. Notez l’emploie du pluriel dans le nombre de billets achetés. Certains joueurs occupent la majorité de leur journée à évaluer les résultats des courses des années antérieures, à les comparer aux récents résultats, à discuter des chances d’un cheval. Bref, à se convaincre eux-mêmes que cette fois-ci se sera la bonne. Je m’arrête à l’un et lui demande quelle est sa stratégie pour miser, il m’explique tout un système de positions et de colonnes. Je m’arrête à l’autre, je lui adresse la même interrogation, il me montre des calculs impossibles. Chiffres et techniques vident de sens. Stratégies de désespoir ou d’espoir?

Apprentissage du moment : En se collant le nez à la vitre nous parvenons seulement à faire de la buer, c’est en prenant un peu de recul qu’il nous ait possible d’admirer ce qui se trouve de l’autre côté.

jeudi, janvier 18, 2007

Semaine 13 : Repos

Deux nécessités : manger et dormir

En cette semaine, le bureau fut une fois de plus envahi par une mission en provenance de Bamako. Le directeur même de SUCO-Mali ainsi que le responsable à la formation débarquèrent à Bougouni afin de mener une réflexion et d’élaborer un plan d’action quant à la problématique que je vous ai exposée la semaine dernière. Lors des réunions, je constate encore une fois la dominance de l’homme et le pouvoir accordé à celui-ci en fonction de sa position hiérarchique. Certes tous sont invités à participer et à prendre la parole, mais ce qu’il en ressort, ce qui est retenu n’est ni plus ni moins ce que le patron a décidé. J’ai eu droit à un beau discourt sur la concertation, que j’ai avalé avec un sourire intérieur, face à ma faible participation verbale. À quoi ça sert de dire ce que nous pensons lorsque personne n’écoute véritablement? Et davantage lorsque ton interlocuteur est persuadé qu’il fait de l’écoute active et qu’aucune faute ne lui incombe?

J’ai profité de la présence du responsable de la formation pour lui faire part de la première ébauche de la fiche d’atelier relative au recensement des besoins de formation des femmes que j’avais rédigée pendant la période des Fêtes. J’ai respecté le canevas type, seule la stratégie est différente. En raison du manque de temps, je n’ai qu’une seule journée pour mener l’atelier à terme, j’ai supprimé quelques étapes que je juge « optionnelles » et j’ai condensé la mise en commun que nous devons obligatoirement faire avec les villageois à la fin de la journée dans l'optique de leur restituer une partie de l’analyse. Commentaire: mon travail est très bien et je dois poursuivre dans cette voie. En fait, il était tellement bien qu’au lieu du questionnaire habituel que l’équipe était entrain d’élaborer pendant une réunion, il a décidé de changer l’approche du tout au tout et de faire une réplique de mon travail en l’adoptant bien sûr aux circonstances! Disons qu’ici une seule question d’investigation était nécessaire et que les groupes de discussion seraient divisés ainsi : les adultes avec les anciens, les femmes et les jeunes. Comme plus de 500 villageois seraient présents, la présence de trois animateurs par groupe s’avéra adéquate.

Disons que suite à cette décision mon sourire intérieur s’élargit quelque peu… Cette réalité, je suis certaine que vous la vivez aussi dans votre quotidien : inspirer une personne de position hiérarchique supérieure qui se mérite le travail certes, mais qui ne souligne pas votre rôle de muse! Personnellement, je n’en ai point été affectée et même qu’au contraire je suis plutôt contente que l’équipe ait opté pour une telle stratégie. Cela a permis aux agents de développement local de s’initier à la méthode du groupe focalisé et d’un autre côté cela m’a permis de noter quelques constats et d’apporter les modifications en découlant dans mon propre travail. Il y a une marge nette entre les deux ateliers, mais la façon de faire est très similaire.

Après ces trois journées de travail épuisantes, j’étais à ramasser à la petite cuillère. De nouveaux furoncles avaient fait leur apparition et la reprise d’antibiotiques a eu pour effet immédiat de me jeter littéralement par terre. Je suis donc rentrer à Bamako avec la mission question cette fois d’aller consulter un « vrai » médecin. Dès le lendemain matin me voilà au rendez-vous prête à rencontrer le médecin référé par l’ambassade canadienne. Enfin! Une personne compétente! Devinez où cette Malienne a étudié? À Montréal! Je me suis immédiatement sentie en confiance et le stress qui commençait à prendre le dessus baissa d’un cran. De cette rencontre ressorti, mis à part une facture de 75$ canadien pour la consultation, un traitement cutané et une interdiction formelle de reprendre une quelconque dose de médicaments. Je pense qu’elle se demandait comment je faisais pour me tenir encore debout…24 jours d’antibiotiques sur une période de un mois et demi.

Autre consigne à respecter; il me fallait du repos. Ma superviseur chez qui j’habite généralement étant encore au Canada, je fus logée pendant quelques temps chez une autre coopérante qui m’a accueilli à bras ouverts. Pendant deux jours, je n’ai fait que dormir et écouter des films. De toute façon, je me sentais bien trop épuisée pour entreprendre une activité plus éreintante.

Mon besoin prioritaire était surtout de me sentir « seule ». Cela peut paraître peut-être étrange, mais ces dernières semaines non seulement j’avais autour de moi deux ou trois gardiens accompagnés des femmes qu’ils courtisent, mais j’avais aussi le frère de mon patron, le patron lui-même, les agents de développement local, l’adjointe administrative, les supervisuers en alphabétisation, un technicien en agriculture, le stagiaire et à ce nombre j’ajoute les deux personnes venues en mission, un nombre effarant de personnes venues saluer ces derniers, le chauffeur de la mission, les voisins d’en face et les amis qui passent me dire bonjour, bref je me sentais étouffer. Je travaille et je vis au bureau, je ne parvenais plus à tracer la ligne qui limite l’un de l’autre en plus de me sentir brimée dans mon autonomie. Où vas-tu? Avec qui étais-tu? À quelle heure rentres-tu? Que fais-tu? Laissez-moi respirer. Je ne suis pas un animal en cage à qui on lance des cacahouètes et dont on observe le comportement en mâchonnant le bout d’un crayon.

Apprentissage du moment : C’est bien vrai que derrière chaque grand homme, il y a une femme!

dimanche, janvier 14, 2007

Semaine 12 : Résolutions

Faire mon jogging quotidien, prendre davantage de photos, diminuer mes heures de travail et apprendre à cuisine le riz sauce à l’arachide!

Premier jour de la semaine et premier jour de l’année, c’est débordante de bonne volonté que je me levai fin prête à entamer 2007. Je ne sais pas pour vous, mais je me demande souvent qu’est-ce que les 365 prochains jours me réservent. Je suis incapable de vivre dans un quotidien assuré pour une longue période. J’aime bouger, j’aime me mettre au défi, j’aime apprendre, j’aime découvrir et j’adore expérimenter.

Ce que je fais en vivant sur cette terre poussiéreuse est l’expérience du développement local. Certes, il s’agit d’une approche spécifique à une organisation donnée, mais il faut bien un point de départ. Néophyte dans la matière, l’université contribue à la formation d’une base théorique sauf que vous le savez aussi bien que moi; la réalité est généralement tout autre.

Cette semaine, l’équipe de travail a été dans l’obligation de mener une réflexion quant à l’identification des besoins économiques des villageois dans la zone où nous intervenons. Réflexion complexe qui à mon sens ne peut pas déboucher sur une solution en l’espace de 48 heures. Généralement, le fond de développement alloué aux villages est investi dans le matériel agricole ou encore dans les petits commerces. Le premier s’adresse principalement aux hommes et le second aux femmes. Il ne s’agit pas d’un canevas fixe, mais disons que cela est l’image d’une tendance.

La commune de Zantiébougou est depuis le début des années 80 appuyée par un autre organisme en développement spécialisé dans l’agriculture. Les villages ont donc été dotés d’une quantité importante de matériel agricole : bœufs, charrettes, multiculteurs, herses, ânes..etc. J’en viens à m’approprier moi-même un vocabulaire agricole! Seulement les temps ont été difficiles et pour survivre les exploitations familiales ont vendus ces biens afin de se retrouver avec de l’argent frais servant à nourrir les ventres vides.

La principale cause est la culture du fameux coton. Tous les villages en produisent au détriment des cultures vivrières. Cette année, par exemple, se fut une année désastreuse pour le coton. Les gens se retrouvent donc encore plus endettés. De plus, les greniers sont vides puisque presque personne n’a cultivé les céréales. Les villages consacrent les meilleures terres au coton en plus de l’ensemble de leur force de travail. Certains s’en sortent très bien, mais d’autres auraient tout avantage à délaisser cette spécialité agricole.

Les jeunes ont peur et devant ces difficultés ils s’enfuient vers les villes. Phénomène d’exode rural. Bref de multiples facteurs, qu’il se classent en causes, problèmes ou conséquences émergent : baisse de la production, aléas climatiques, retards dans le ravitaillement des intrants, divagation des animaux, bas coûts des produits agricoles, manque de superficies cultivables pour les femmes, manque de planification…

En dotant à nouveau certaines exploitations familiales de matériel agricole, l’histoire ne va-t-elle pas se répéter? Il est facile pour une famille de dissimuler ou de fausser les données concernant leurs avoirs; nous constatons déjà des contradictions entre les données des études socio-économiques et celles des études de faisabilité! Vous me dites que vous n’avez pas de bœufs, avec le fond de développement vous me dites avoir acheté deux bœufs, en réalité vous en aviez déjà deux, vous les vendez et lors de ma vérification vous êtes bel et bien en mesure de me prouver l’achat des deux bœufs en plus de vous être mis de l’argent en poche. Cette situation n’est pas souhaitable, mais elle est réaliste! Et c’est ce que bien sûr nous cherchons à éviter.

Alors comment faire pour déterminer le problème réel? Comment faire pour apporter un appui qui puisse être profitable sur le long terme? Voilà les défis!

Apprentissage du moment : La complexité de la réalité permet de réaliser un grand pas, la simplicité du rêve engendre l’immobilité.

samedi, janvier 06, 2007

Semaine 11 : Tabaski

Dessine-moi un mouton

Ho! Ho! Ho! Le lundi 25 décembre, j’ai pris congé! Suite aux émotions octroyées par le sacrifice des pintades et la nuit de veille, un bon repos était mérité. Je n’ai malheureusement pas été dans la possibilité de laisser le verre de lait et les biscuits traditionnels au Père-Noël. Cependant, comme il n’y a pas de cheminée dans le bureau, il aurait bien été dans tous les cas incapable de me visiter! Ce jour de Noël était le signal de départ pour quelques-uns de mes meilleurs amis. Chacun devait rentrer en famille en vue de la nouvelle année en lassant Bougouni derrière et en tournant le regard vers d’autres coins de leur pays natal. Certains m’ont même offert de les accompagner, mais ne prenant pas de vacances mon emploi du temps ne me permettait pas un tel déplacement. Je passai donc la journée à aller saluer les uns et les autres, leur souhaitant bonne route et mes meilleurs vœux.

Dès le lendemain, je me remis au boulot. L’avantage des vacances était que le bureau était vide et par conséquent très calme. Environnement propice à la concentration et à la productivité! Par contre, je fus vite détrompée… Je croyais pouvoir profiter d’une petite semaine de tranquillité et d’intimité et voilà que nous ne sommes même pas le milieu de la semaine que le jeune frère du patron débarque et s’installe dans la chambre juxtaposée à la mienne. Cette pièce sert principalement à entreposer les motos pendant la nuit et à accueillir les visiteurs qui viennent en mission ici pour quelques jours. Voyant la majorité de mes amis contribuer au phénomène d’exode de Bougouni, je n’avais pas pensé que certains chefs de famille demeuraient permanemment dans ce gros village et que si quelques-uns quittaient, quelques-uns arrivaient! Bonjour la visite!

Le reste de la semaine se déroula dans la simplicité quotidienne. À chaque jour qui nous rapprochait du 30 décembre, je sentais l’atmosphère devenir plus joyeuse et plus électrique. Les gens se préparaient pour la fête! Au Mali, il y a deux fêtes principales pendant l’année : le ramadan et la tabaski. Cette dernière se célèbre suite à une période de temps bien précise écoulée depuis la fin du ramadan. Le tout est toujours bien surveillé par le fameux « comité d’observation national de la lune ». Qu’est-ce que nous faisons en cette occasion? Nous mangeons du mouton!

Pourquoi du mouton? Il était une fois…un brave homme très vertueux et très pieux. Il était engagé vers Allâh et il lui vouait une dévotion sans reproche. Cet homme portait le nom d’Abraham. Un jour, Allâh voulant vérifier la loyauté de son serviteur lui adressa une requête : «Abraham, montre-moi ta fidélité en sacrifiant l’un de tes fils en mon nom. » Abraham n’hésita pas un instant. Il prépara le nécessaire pour entamer le rituel. Au moment où il allongeait son fils sur le sol, que sa main tenant le couteau prêt à trancher la gorge de celui qui devait mourir en l’honneur du Dieu se resserrait sur le manche, Allâh lui envoya le prophète Mahomet chargé de ce message : « Abraham, ne tues pas ton enfant, regarde plutôt derrière-toi ». En se retournant, la première chose que vit le brave homme fut un mouton. Il le sacrifia donc à la place de son fils. Aujourd’hui, ce jour du mouton est célébré en l’honneur d’Abraham et pour ce faire chaque chef de famille qui en possède les moyens sacrifie un mouton pour les membres de sa maisonnée.

Je me levai tôt en ce jour de tabaski pour accompagner mon homonyme, Yaye la mère de mon patron, à la prière de 9h. Pour l’occasion, je me transformai en véritable Malienne : j’abhorrai le boubou (tunique traditionnelle) et le voile. Je ne compris rien de la cérémonie qui se déroula en plein air en face de la mosquée, mais j’adoptai le comportement de tous et un chacun; je me levai, me mis à genoux, posai mon front sur le sol, me redressai, prononçai « Amina » et recommençai. Le tout pied nu devant mon petit tapis de prières. Spectacle étrange de voir des centaines d’hommes en rang d’oignons bouger à l’unisson suivi par des rangs de femmes adoptant les mêmes comportements. Tout le monde dans ses plus beaux atours, et prêts à célébrer.

De retour en famille, il était venu le temps de sacrifier les moutons. Nous en avions deux à égorger et si j’ai observé la scène, je la trouvai difficile à vivre. J’ai eu les jambes molles pendant quelques instants. Ce fut un vrai cours de biologie 101! Par la suite, les femmes se mettaient à la cuisine et cela pour toute la journée. Je fus responsable de faire les brochettes et je pense m’en être tirée sans trop de peine. J’ai pendant toute la journée manger du foie de mouton, des cuisses de mouton, des côtes de mouton…j’avais le ventre qui voulait exploser. Le soir, nous avons mangé du vermicelle et par la suite on eu plaisir à me dire que je venais de manger de la cervelle de mouton! Quelle horreur! Pourtant, je dois dire que j’ai trouvé ce plat excellent. L’image qui m’est venue en tête est celle de Hannibal dans le film « Le silence des agneaux » qui fait déguster à sa victime son propre cerveau…j’en avais des frissons.

À 22h, je quittai la famille en compagnie de deux frères du patron et d’un des gardiens du bureau pour me rendre au « centre ville » assister à un spectacle donné par une griote, type de chanteuse malienne. Je n’aime pas du tout ce chant qui à mes oreilles sonne comme des cris nasillards, mais je vis l’expérience du pays jusqu’au bout! Même au prix d’une ouïe écorchée!

Après une journée si bien remplie, je n’avais pas beaucoup d’attentes pour le 31 décembre et le passage de la nouvelle année. Mes amis étant toujours à l’extérieur de la ville, je me demandais bien comment ma soirée allait être occupée. Finalement, je ne fus point déçue. Encore une fois, c’était sans compter sur la chaleur malienne! Je partis vers le restaurant/bar le plus près de chez moi rendre visite à quelques connaissances dont un ami qui était revenu de son village le jour même. Après une bière et une agréable causerie, nous sommes partis en boîte. Le premier plancher de danse que je foulais depuis mon arrivée à Bougouni!!! Quelle joie! Je n’ai accordé aucune importance au fait que je ne connaissais nullement les danses et c’est sans retenu que je me défoulai véritablement. D’ailleurs, les gens m’ont même complimenté sur ma façon de danser, paraît-il que je sais très bien bouger mon postérieur! Venant d’Africains qui ont du rythme jusqu’à dans les ongles d’orteils, ce fut un compliment de marque.

Complètement exténuée, je suis rentrée à la maison vers les 4h du matin le sourire aux lèvres. Les « vieux » que nous étions, mes amis étant âgés autour de la trentaine, avaient littéralement écrasé la petite jeunesse qui était allée à la rencontre de Morphée beaucoup plus tôt que nous. Mais il n’était pas encore l’heure de dormir…Hep! Le Québec, où êtes-vous?! Mes amis les plus proches faisant le party ensemble, j’ai pu via une webcam discuté avec tous et un chacun. D’ailleurs, je ne me senti pas en reste puisqu’un de mes meilleurs amis et hôte de la soirée avait pris soin de coller à l’avant de son t-shirt une belle photo de ma binette afin que je partage tout ces instants avec eux! Vers les 5h (donc minuit au Québec), je les poussai tous et c’est en tête à tête avec Stéphane que j’ai célébré ce passage vers 2007. Une fois de plus, que demander de mieux?! Bonne année Yaye!
Apprentissage du moment: Loin des yeux, près du coeur.